lundi 18 septembre 2017

LA PIEUVRE DE LA HAINE


Même s'il ne me viendrait jamais à l'esprit de les en remercier, il m'apparaît que la seule utilité des suprémacistes américains est de mettre en lumière ce que nous, militants antifascistes, dénonçons avec énergie ces dernières années. J'exècre ces gens-là, c'est un fait, mais plus encore je crains cette pieuvre gloutonne qui étend ses bras jusqu'à embrasser la moitié du globe ! Me revient absurdement en mémoire cette maxime bien française "Qui trop embrasse bien mal étreint"... La pieuvre de la haine, sous ses formes multiples, resserre son étreinte à nous étouffer et l'air se raréfie chaque jour un peu plus. En France, les dégâts sont déjà considérables. Le niveau de violence n'est pas le même qu'aux Etats-Unis, sans doute parce que nos identitaires n'ont pas le loisir de manifester bardés d'armes de tous calibres et de toutes sortes comme l'ont fait leurs homologues américains. Mais les faits de violence imputables à des mouvements d'extrême-droite comme le GUD (1) Les Identitaires (2) Génération Identitaire (3) et autres petites factions provinciales brutales, devrait donner à tout citoyen raisonnable des sujets d'inquiétude.

Que se passe-t-il dans notre pays ? Cette remontée notable du racisme, de l'antisémitisme et du négationnisme à laquelle nous assistons depuis quelques années doit nous alerter ! Nous, associations antiracistes et collectifs citoyens, ne cessons de tirer la sonnette d'alarme et le faisons la majeure partie du temps en pure perte. Combien de fois n'avons-nous pas entendu le fameux couplet cher à l'extrême-droite qui assure que tout cela est derrière nous tout en continuant à stigmatiser les juifs, les musulmans, les étrangers ? Un discours qui s'étend hélas insidieusement à tous les courants de pensée, toutes les idéologies, et semble paralyser la mémoire collective de ces nouvelles générations de français qui se persuadent qu'aucune horreur surgie du passé ne saurait se répéter. Et que dire de toutes ces formations politiques et leur formidable incapacité à se renouveler qui nous ont menés au seuil de l'abîme ? Les faits nous donnent raison, année après année, agression après agression, actes odieux après actes odieux... Mais rien ne bouge, ou si faiblement que nous ne pouvons envisager de ralentir la cadence. Le fascisme, le nationalisme, le souverainisme, tous ces courants qui se combinent entre eux dans la plupart des cas et qui s'emploient à scléroser inexorablement notre société, s'ancrent de plus en plus profondément dans toutes les couches de la population. Combien de fois n'avons-nous pas signalé en pure perte les posts et commentaires racistes et antisémites qui fleurissent sur les réseaux sociaux et s'y épanouissent encore plus dangereusement en période électorale ? Combien de discussions à la limite de la violence verbale, d'échanges virtuels agressifs semés d'insultes en tous genres, de rappels de l'histoire pour réveiller les mémoires défaillantes, de mises en gardes contre les sites de réinformation ouvertement racistes de la fachosphère tels que Fdesouche, Boulevard Voltaire ou Novopresse ? Combien de signalements de propos négationnistes ? Combien de théories complotistes relayées parfois en toute bonne foi par des internautes qui ne prennent pas la peine de s'informer sur la validité de leurs sources ?

Que tous ceux qui prétendent aujourd'hui rire de tout, et surtout de cette période de notre histoire, prennent la mesure de ce qu'engendre le laisser-aller des exigences de mémoire. Il appartient aux nouvelles générations de reprendre le flambeau pour que plus jamais nous n'ayons à souffrir comme tant d'autres ont souffert. Aujourd'hui plus que jamais, et le déplorable climat des élections passées nous l'a démontré, il est primordial de tirer de notre histoire les leçons qui s'imposent. Nous ne serons jamais à l'abri d'actes odieux motivés par le racisme, l'antisémitisme, l'homophobie, la pauvrophobie... Toutes ces petites discriminations quotidiennes que beaucoup trop subissent sous le regard des autres, tous ces propos racistes jetés en riant, toutes ces humiliations qui s'accumulent, qui ne sont pas réprimées comme elles le devraient ou pas assez vite, tout cela mène à des profanations, des agressions, des violences ! Dans une société qui trouve normal qu'un parti d'extrême-droite se retrouve au second tour des élections présidentielles, qu'un rafiot affrété par des identitaires menace ceux d'ONG qui s'emploient à sauver les migrants en Méditerranée, qui laisse une poignée de passéistes souverainistes dicter sa loi et violer en toute conscience les lois de la République, nous nous devons de préserver nos avancées sociétales et nos valeurs républicaines. Parmi celles-ci la laïcité n'est pas la moindre, elle est la pierre angulaire de notre civilisation, celle qui nous protège de toutes les tentations communautaristes et de l'obscurantisme.

Dans ce contexte, l'embauche à la mairie de Beaucaire de deux identitaires, dont l'un a déjà fait son travail de sape près d'un an dans notre ville, doit nous alerter. Tous deux issus de Génération Identitaire, Damien Rieu et Clément Martin sont respectivement directeur de la communication et chargé de communication. Leur confier cette responsabilité équivaut à mettre un fusil chargé entre les mains de psychopathes en disant aux autres de ne pas s'inquiéter, qu'ils sauront gérer au mieux la situation... La métaphore est osée, certes, mais elle reflète très exactement la dangerosité de la situation. Sur cette embauche précisément la question n'est donc pas de savoir si Damien Rieu, pour ne citer que lui, est compétent au poste qu'il occupe, mais bel et bien de savoir quelle influence auront ses positions identitaires et le poids de ses actions passées sur la communication de la ville autant que sur les prises de position de la majorité municipale.

Il appartient aux beaucairois, et plus largement aux français, de ne pas se laisser abuser par l'hydre à mille têtes des mouvances identitaires et du nationalisme, de regarder bien en face la bête immonde qui l'abrite en son sein et d'oser dire ce simple mot : NON.


Notes

1- GUD - Groupe Union Défense
Mouvement nationaliste réputé pour sa violence, fondé en 1968 par notamment Alain Robert, ancien militant d'Occident (voir ici) et l'un des fondateurs d'Ordre Nouveau puis du Front National. Frédéric Châtillon, conseiller et ami de Marine Le Pen (voir ici) en était l'animateur dans les années 1990 et plusieurs anciens militants gravitent dans et autour du Front National


2- Les Identitaires

Ex Bloc Identitaire, mouvement politique nationaliste fondé par Fabrice Robert et Guillaume Luyt après la dissolution en 2002 du mouvement Unité Radicale (voir ici) dont ils étaient tous deux dirigeants


3- Génération Identitaire

Mouvement créé en 2012 qui reprend le flambeau des Jeunesses Identitaires fondées par Philippe Vardon. Se définit lui-même comme une "communauté de combat", mène des actions contre les musulmans et les réfugiés, sont adeptes de la théorie du Grand Remplacement de Renaud Camus et prônent la rémigration pour y remédier 

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