jeudi 18 août 2016

ET LA LIBERTÉ, BORDEL ?



Je le confesse avec honnêteté le port du burkini, comme celui de tout signe extérieur de dépréciation de la femme, me met mal à l'aise. Élevée par une mère discrète mais extrêmement consciente de sa valeur en tant que femme et féministe dans le sens littéral du terme, je conçois difficilement quelle liberté procure tout choix vestimentaire visant à dissimuler le corps de la femme au lieu de le glorifier. Ceci étant il ne me viendrait pas à l'idée de le diaboliser et d'en faire le vecteur de l'invasion migratoire musulmane tant redoutée par les frontistes et consorts, j'entends par là hélas la majorité des bien-pensants de droite comme de gauche. 

Entre les racistes obsessionnels et les laïcards intolérants je ne sais ce qui me dérange le plus dans toute cette affaire. Si je ne suis pas en accord avec les femmes qui font ces choix, par pudeur ou par croyance, je ne me sens aucunement menacée dans mon style de vie. Or c'est bien ce que voudraient nous faire croire tous ceux qui hurlent au loup depuis des mois. Quid de ces hommes politiques qui se découvrent soudain une passion pour le combat féministe ? Quid des femmes politiques qui s'appuient sur l'égalité des sexes pour donner des coups de canif dans les libertés individuelles ? Quid de tous ceux et celles qui brandissent la laïcité comme d'autres le sabre pour éventrer notre République ? 


Quand on lit par exemple les réactions indignées des élus du Front National on croit rêver ! Un parti qui n'envisage la femme que comme une mère de famille, au foyer de préférence, pondant avec délectation des petites têtes blondes chaque année (on n'avorte pas chez les frontistes) et se satisfaisant de contribuer à la carrière de son époux en le soutenant en toutes circonstances. Comme au bon vieux temps... Le Front national est contre l'avortement, contre les libertés sexuelles, contre l'homoparentalité. Il refuse de tendre la main aux femmes battues, aux familles monoparentales, à toutes celles qui sont contaminées par la misère sociale. Il claque la porte au nez de toute avancée du droit des femmes en votant contre toutes les lois qui le concerne. Et il s'effarouche d'un burkini. Bref ! Si le Front National était le grand défenseur de la cause féminine cela se saurait depuis longtemps.

Que dire d'une droite dite "normale" qui s'offusque à grand renforts de protestations vertueuses pour mieux envelopper un racisme mal assumé ? Celui de la parentalité de moins en moins timide qui la lie à l'extrême-droite et qui s'insinue un peu partout, mine de rien. Mais en provoquant des vagues à bon escient, au bon moment, par pur calcul électoral. Car si l'on creuse bien, le burkini la droite classique s'en tape ! Mais les échéances électorales çà oui, c'est important. Alors elle brosse les cheveux blonds du diable et se met au lit avec sans états d'âme. Un peu lesbienne et un peu pute, avec la conscience du devoir accompli et suffisamment de plaisir pour n'en avoir aucun regret. 

Parlons un peu de la gauche par exemple, cette gauche gouvernementale qui n'en est plus une, qui pactise avec le diable pour justifier des décisions étatiques dangereuses qui enserrent peu à peu nos libertés dans un étau. Car c'est bien de cela qu'il s'agit, de nos libertés individuelles. Celles de se vêtir à sa guise, de boire ou manger ce que l'on souhaite, de croire ou de ne pas croire, d'avoir des enfants ou de ne pas en avoir, de choisir son style de vie... En un mot de vivre et de penser différemment de ce que l'Etat estime être bon pour nous. Et dans tout ce fatras politico-sociétal n'oublions pas les entorses faites à l'Histoire, notre histoire, par les plus intransigeants pour mieux faire accepter le discours quelque peu écœurant d'une laïcité qui ne se reconnaît plus dans son propre miroir ! La nécessaire neutralité de l'Etat par rapport au fait religieux ne signifie pas que la neutralité soit en toute chose exigible. Il est aberrant de penser qu'on puisse en 2016 interdire toute liberté de choix vestimentaire, dès lors que les visages soient à découvert ainsi que le prescrit le texte de la loi de 1905. Aristide Briand doit se retourner dans sa tombe en considérant ce que l'on fait aujourd'hui de cette laïcité à laquelle il a tellement travaillé...

Le plus navrant est sans doute que tout ce racisme étalé au moindre prétexte soit justifié par des arguments d'une telle imbécillité qu'on est en droit de se demander si la fuite des cerveaux n'a pas suivi celle de l'argent au Panama ! 

Il serait plaisant de croire que tous ces racistes bien-pensants agissent pour notre bien, ce serait la solution de facilité et c'est d'ailleurs celle adoptée par bien trop de français ! Se sont-ils posé les bonnes questions avant de s'horrifier à la seule mention du mot "burkini" ? Ont-ils réfléchi à l'engrenage infernale dans lequel ils mettent le doigt en approuvant les récentes interdictions ou en applaudissant les agressions racistes qui les ont précédées ? Il faut croire que non, et c'est plus que regrettable, c'est préoccupant pour l'avenir de notre pays. 

Pour ma part je me suis engagée dans un combat contre le racisme et la discrimination, ce qui implique avant toute chose de préserver les libertés individuelles dans le respect des valeurs de notre République. Liberté, égalité, fraternité : trois petits mots si simples qui sont devenus si compliqués à faire entendre...